18.10.17



La Clairière est le plus bel endroit du monde. Au delà de la réalité humaine, elle s’adapte pourtant à toutes les saisons imposées par la Terre. En fait, elle ressemble à un paysage que l’on pourrait trouver sur notre planète. Parmis les hêtres, les chênes et les châtaigniers, s’étend cette clairière de taille moyenne, parsemée par endroit de taches de lumière venant percer les branches des arbres. Les rayons du soleil viennent toujours apporter une atmosphère chaleureuse à l’endroit. On y trouve parfois au centre un rond de pierres dans lequel on peut y faire du feu, avec de gros troncs d’arbres que le temps a lissé, étendus sur le sol en guise de bancs. Parfois aussi, il n’y a ici rien d’autre qu’une étendue d’herbe, parfois de fleurs, ou de neige. Au soir tombant, on peut surprendre, si l’atmosphère y est, les arbres à s’allumer, comme s’ils étaient parsemés de centaines de minuscules ampoules jaunes. Qu’il fasse jour, nuit, en été ou en hiver, la Clairière vient toujours apporter la température idéale. En automne, elle donne l’opportunité de revêtir une petite chemise, et laisse en hiver l’occasion d’enfiler un gros pull confortable. Mais jamais on n’a froid, jamais on n’a chaud. Il demeure tout de même ici une éternelle douce brise, qui pourrait venir gentiment caresser votre joue - si encore vous pouviez pénétrer ce lieu. Ce faible reste de vent vient constamment faire danser les hautes herbes et les feuilles avec élégance. Et cette lumière et ce vent paraissent donner vie à ce coin de forêt, que l’âme entend chanter.
À l’une des extrémités de la Clairière, on peut presque à coup sûr y trouver une estrade de bois. Pas plus haute qu’une soixantaine de centimètres, les planches de l’estrade s’étendent pour former une sorte de scène. Tout comme la Clairière qui l’abrite, elle aussi est changeante. La plupart du temps, elle présente des micros et des instruments de musiques. Parfois, un arbre perse ses planches pour s'élever au milieu avec grâce, rappelant la forêt qui l’entoure. Sur la gauche de la scène, il y pousse parfois un petit renfoncement circulaire, cachée de la clairière par des arbres ou des murs de planches, dans lequel s’y trouvent des tapis et poufs confortables. Bien qu’ouverte, cette scène chaleureuse apporte réconfort, sécurité et bien être.
Voyez-vous, cette Clairière est exceptionnelle. Elle n’est pas qu’un beau paysage. Elle est la vie, la lumière, la musique. Lorsque ses visiteurs la pénètres, ils paraissent ne faire qu’un avec elle. Leur âme se mêlent à la sienne dans un doux orchestre de vie. Il y déposent leur pas avec légèreté, comme dans un rêve. Chaque mouvement entre en harmonie avec le vent, et chaque son résonne au creux du coeur comme une évidence chantée.






- Bon, arrêtez de parler et lancez-vous !

Les deux amis s’arrêtèrent de discuter pour tourner leur regard vers l’origine de cette voix. Une jeune femme à la crinière rousse était assise au milieu de la scène, le dos contre le tronc d’un arbre qui s’y élevait en plein milieu. Elle regardait ses ongles rouges sang d’un air impatient. Soudainement, elle se leva et s’avança d’une démarche assurée vers ses deux amis. Une fois à leur niveau, Keira Zonko se planta devant eux, la main sur la hanche.

- Les érables qui commencent à devenir oranges, quelques feuilles mortes par terre… Elle montra d’un geste désinvolte la Clairière derrière elle puis poursuivit sur un ton d’évidence, Franz Ferdinand ?

D’un sourire, ses amis approuvèrent. Un jeune homme vêtu d’un jean marron et d’un modeste t-shirt blanc crème s’éloigna alors pour aller attraper deux guitares. Le nez pointu, les yeux bienveillants et rieurs, les cheveux châtains en bataille et un éternel sourire collé aux lèvres, Billy dégageait une allure chaleureuse qui mettait instantanément en confiance. En revenant, il tendit une guitare au beau bois clair à West. Doucement, Billy posa ses doigts sur le manche de sa guitare et joua un accord, le regard interrogateur et un sourire aux lèvres. Lui rendant son sourire, la jeune femme approuva d’un hochement de tête. À côté, Keira souffla, elle aussi souriante, l’air de dire “enfin !”. Sa démarche devenait de plus en plus légère et dansante au fur et à mesure que les deux guitaristes jouaient. S’avançant d’un pas, West s’approcha de son micro et ouvrit la bouche pour laisser s’échapper les premiers vers de leur chanson.

- She's an emotion avenger.. She is the villain who sends a - line of dark fantastic passion...

Sur certains vers, Billy se joignait à elle, apportant plus de profondeur et d’intensité à la musique. Les sons que créaient les deux amis s’élevaient doucement dans toute la Clairière, se mêlant à chacun des éléments. C’était comme si la Clairière elle-même avait décidé de chanter à travers eux. Keira, suivit de sa longue chevelure orange, illustrait les mouvements de la musique. Après quelques minutes, la musique s’estompa alors que la chanson arrivait à sa fin. D’un bond, Keira sauta entre ses amis d’un air enthousiaste, un troisième micro à la main.

- Allez, on bouge maintenant ! Dark Of The Matinée !
- Oh yeah !

À peine eut-il exclamé ces mots, que Billy entamait déjà une deuxième chanson. Quelques secondes avant d’avoir commencé, sa main s’arrêta en se perdant doucement en plein milieu d’un mouvement, un air étonné s’emparant de son visage, tandis que Keira posait une main sur le bras de West pour lui faire signe d’arrêter de jouer et de regarder vers l’entrée de la Clairière. Alors, doucement, West tourna la tête et fit face à une vision complètement inattendue, un peu plus loin à droite de la scène. Visiblement, aucun des trois amis n’avaient pensé possible que ce jeune homme qu’ils apercevaient là pouvait pénétrer la Clairière. L’air timide, le jeune homme se tenait à l’entrée, ne sachant que faire. Prise au dépourvue par l’émotion de cette apparition, la jeune musicienne se tourna vers ses amis, qui lui lançaient des regards encourageants. D’un geste, elle donna sa guitare à Keira, et s’avança prudemment vers les escaliers de la scène. Dans son dos, Keira et Billy échangèrent un regard, puis se mirent à jouer de nouveau, accompagnant les pas de leur acolyte d’un fond musical envoûtant. À pas lents, West s’avançait vers le nouveau venu. Au fur et à mesure qu’elle marchait, sa surprise et sa panique se transformaient en une puissante émotion, pleine de joie et d’amour. Autour d’elle, la Clairière éclairait son chemin d’une magnifique lumière éclatante. À chaque pas elle percevait un peu plus les traits de l’homme qui se tenait devant les arbres. Elle voyait de plus en plus nettement toute sa beauté. Enfin, West s’arrêta devant l’homme, et plongea son regard dans le sien. Pendant plusieurs dizaines de secondes, elle l’observait avec émotion, sans dire un mot. Puis, doucement, elle avança sa main et prit la sienne. Alors, c’était comme si toute la puissance, la beauté et la lumière de la Clairière transperçaient son âme, et se diffusait dans tout son corps, dans son bras, dans sa main… Puis dans la main de Luka Moon. Avec le sourire le plus heureux, la jeune femme tira Luka pour l’emmener avec elle. Bercés par la musique, ils montèrent les marches et rejoignirent Keira et Billy sur la scène. Ne lui lâchant plus la main, le corps de West bougeait au son de la musique, entraînant Luka avec elle. La musique semblait maintenant plus puissante et plus magnifique que jamais. Tous les quatre bougeaient sur la scène, et projetaient leur chanson dans toute la Clairière, qui s’illuminait encore plus.